SOUTIEN À DOMICILE (SOINS ET MAINTIEN)

Agences de placement et soins à domicile – dépendance extrêmement forte selon une récente étude de l’IRIS

Les « pratiques douteuses » des agences de placement ainsi que les conséquences du recours à leurs services par le réseau de la santé et des services sociaux (RSSS) ont été largement documentées durant la pandémie, ce qui a également stimulé plusieurs propositions pour favoriser le développement des services de soutien à domicile (SAD) et réduire le recours à l’institutionnalisation des personnes aînées en perte d’autonomie. Ces constats et ces propositions s’inscrivent dans un contexte historique de sous-financement des SAD, de désengagement de l’État dans ce secteur, et de privatisation accélérée et multiforme de l’offre de SAD au Québec.

Dans la présente étude socioéconomique, l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) nous montre le rôle central joué par les agences privées de placement de personnel dans ces processus.

Après avoir défini les agences de placement et présenté le contexte général de cette industrie, cette étude dégage un bref historique du recours aux agences de placement dans le réseau de la santé et des services sociaux. Elle présente ensuite une analyse du recours à la «main-d’œuvre indépendante » (MOI) par les établissements sociosanitaires publics pour des services de soutien à domicile.

Dans un contexte où le gouvernement affiche une volonté de réduire radicalement le recours aux agences de placement en santé et services sociaux, cette étude démontre que, pour y parvenir, une attention particulière devra impérativement être accordée au secteur des SAD, qui est l’un de ceux où l’utilisation des services d’agences de placement est la plus importante au sein du réseau de la santé.

Faits saillants:

01.Le secteur de la santé et des services sociaux est un marché majeur pour l’industrie des agences de placement, les dépenses en location de main-d’œuvre des établissements publics du réseau ayant représenté l’équivalent de 28,9% des revenus totaux de cette industrie en 2020.

02.Les services d’aide à domicile sont un des secteurs du réseau de la santé et des services sociaux où la dépendance structurelle à l’égard des agences de placement est la plus forte: en 2019-2020, ce sont 27,9% des heures travaillées en aide à domicile qui ont été assurées par de la main-d’œuvre indépendante, contre 2,9% dans l’ensemble du réseau.

03.Le coût horaire de la main-d’œuvre indépendante augmente beaucoup plus rapidement que celui des employées du réseau dans les services de soutien à domicile, avec pour résultat que l’avantage financier d’y avoir recours a diminué de 60 % entre 2015-2016 et 2020-2021.

04.Le taux de recours à la main-d’œuvre indépendante pour la prestation de l’aide à domicile varie grandement d’une région et d’un établissement à l’autre, passant de 0% des heures travaillées dans certains établissements à plus de 70% dans certains autres.

05.Ce sont avant tout des choix politiques et de gestion, et non la supposée pénurie de personnel en santé et services sociaux, qui expliquent le recours à la main-d’œuvre indépendante en services de soutien à domicile.

Les soins à domicile: priorité No. 1

La majorité des aînés ne souhaite pas aller en CHSLD (Sondage CROP, 17 juin 2021)

Le sondage CROP réalisé pour le compte de l’écrivaine Janette Bertrand, la Fondation Jasmin Roy Sophie Desmarais, et la Fondation Institut de gériatrie de Montréal, réalisé auprès de plus de 1000 Québécois de 65 ans et plus, a abordé diverses thématiques sur le bonheur des aînés, leurs craintes et leurs attentes envers leur famille et la société.

Selon le coup de sonde, il ressort que 62 % des personnes de plus de 65 ans ne souhaitent pas se retrouver en CHSLD, alors que 57 % d’entre eux espèrent pouvoir compter sur leurs proches pour demeurer à la maison.

Quelque 75 % des répondants demandent expressément aux autorités de bonifier l’offre de services et de soins de santé de qualité à domicile pour leur permettre de demeurer à la maison.

«Le sondage révèle que les aînés québécois n’ont pas eu l’impression qu’ils avaient été entendus pendant la pandémie, surtout en ce qui a trait à ce qui s’est passé en CHSLD», a indiqué, par communiqué, Mme Bertrand, bouleversée par le constat auquel le sondage est parvenu.

Soins de longue durée à domicile

Des baisses importantes des capacités physiques et mentales peuvent limiter la capacité des personnes âgées à prendre soin d’elles-mêmes et à participer à la société. L’accès à la réadaptation, aux technologies d’assistance et à des environnements favorables et inclusifs peut améliorer la situation ; cependant, de nombreuses personnes arrivent à un moment de leur vie où elles ne peuvent plus prendre soin d’elles-mêmes sans soutien et assistance.

L’accès à des services et des soins de longue durée de qualité à domicile est essentiel pour que les personnes aînées en perte d’autonomie qui refusent l’institutionnalisation puissent conserver leur capacité fonctionnelle, jouir de leurs droits humains fondamentaux, et continuer à vivre dans la dignité.

Mais l’accès aux services et aux ressources est inégal d’une région à l’autre. Alors qu’environ 1000 personnes attendent un service dans la Capitale-Nationale, ils sont autour de 3000 en Mauricie et dans Chaudière-Appalaches.

Crédit d’impôt pour le maintien à domicile des personnes aînées (CMD)1

Depuis son apparition en l’an 2000 dans le paysage fiscal québécois, il y a donc plus de 20 ans, le crédit d’impôt remboursable pour le maintien à domicile d’une personne âgée, appelé aujourd’hui crédit pour maintien à domicile des aînés, est progressivement devenu la dépense fiscale concernant les aînés la plus importante du régime d’imposition des particuliers du Québec.

Ainsi, le 9 mars 1999, dans son discours sur le Budget 1999-2000 du Québec, le vice-premier ministre et ministre d’État à l’Économie et aux Finances, M. Bernard Landry, annonçait la mise en place d’un crédit d’impôt remboursable pour le soutien à domicile des personnes aînées en perte d’autonomie à compter du 1er janvier 2000.

L’objectif avoué de cette mesure était de soutenir les aînés qui « souhaitent demeurer le plus longtemps possible dans leur communauté, auprès de leur famille et de leurs amis, et ce, même quand ils ont commencé à perdre un peu de leur autonomie »

Les personnes aînées visés par le CMD peuvent demander ce crédit lorsqu’ils produisent leur déclaration de revenus ou encore par anticipation, en remplissant un formulaire de versements anticipés au plus tard le 1er décembre de l’année d’imposition en cours. Ainsi, ils peuvent recevoir chaque mois le montant du crédit pour des services admissibles inclus dans leur loyer ou leurs charges de copropriété et, pour les services non inclus, dans les 30 jours suivant la date de réception de la demande de versements anticipés. Dans le cas des couples, un seul des conjoints peut faire la demande pour le couple.

Les dépenses admissibles au crédit d’impôt varient en fonction du type d’habitation, soit un établissement de santé, un immeuble en copropriété, un immeuble à logements, une maison dont l’aîné est propriétaire ou une résidence privée pour aînés (« RPA »).

Le calcul du CMD se fait en six étapes :
• Étape 1 : Établir l’autonomie ou non de l’aîné afin de déterminer si un plafond des dépenses s’applique.
• Étape 2 : Calculer le montant de dépenses admissibles annuelles. Ce montant ne peut excéder le plafond des dépenses admissibles.
• Étape 3 : Calculer le crédit d’impôt. Appliquer le taux du crédit d’impôt sur les dépenses admissibles établies à l’étape 2.
• Étape 4 : Selon l’autonomie établie à l’étape 1 et le revenu familial du ménage, déterminer si le crédit doit faire l’objet d’une réduction.
• Étape 5 : Si le crédit doit faire l’objet d’une réduction (étape 4), calculer le montant de réduction. Pour ce faire, appliquer le taux de réduction sur la portion du revenu qui dépasse le seuil de réduction.
• Étape 6 : Calculer le crédit d’impôt annuel auquel l’aîné a droit (étape 3 moins étape 5, le cas échéant).

Si on fait exception de l’élargissement à l’ensemble des aînés de 70 ans et plus, par rapport à l’intention initiale qui s’applique uniquement aux aînés en perte d’autonomie, avant même l’entrée en vigueur de la mesure, le CMD aura été assez stable de 2000 à 2006. En 2007, une première série de modifications apportées au CMD fait passer le taux du crédit de 23 % à 25 % et le plafond des dépenses admissibles de 12 000 $ à 15 000 $. En 2008, une refonte majeure du CMD fait passer le taux du crédit de 25 % à 30 % et le plafond des dépenses admissibles de 15 000 $ à 15 600 $. En 2013, le plafond des dépenses admissibles est augmenté de 3 900 $ et le taux du crédit est majoré de 5 points de pourcentage sur cinq ans à 35 %, à raison d’un point de pourcentage par année. De plus, la réduction du crédit cesse de s’appliquer aux aînés non autonomes. À compter de 2022, le taux du crédit sera de nouveau majoré de 5 points de pourcentage sur cinq ans pour atteindre 40 %, à raison d’un point de pourcentage par année. Un deuxième taux de réduction (7 %) en fonction du revenu s’ajoutera pour les aînés autonomes et un taux de réduction (3 %), applicable uniquement à la bonification du crédit, s’appliquera aux aînés non autonomes. Le loyer mensuel maximal est doublé à 1 200 $ et un loyer mensuel minimal admissible de 600 $ est introduit. Certaines composantes du CMD seront versées automatiquement.

Le crédit pour maintien à domicile des aînés ne semble pas prêt de disparaître; tant son coût que son utilisation devraient continuer de croître. La dépense fiscale annuelle associée au crédit atteindra 1 milliard de dollars au cours des prochaines années. Toutefois, il y a lieu de mener dès à présent une réflexion pour assurer la pérennité de la mesure et pour veiller à ce que ceux qui devraient en bénéficier puissent y avoir accès.

L’analyse de l’évolution du CMD montre que, depuis son introduction, la tendance va vers un élargissement de la mesure. À l’exception de l’introduction d’une réduction du crédit en fonction du revenu en 2008 et d’un deuxième seuil dans le dernier Budget de 2021-2022, toutes les modifications ont eu pour effet d’augmenter l’importance du crédit.

Du côté des dépenses admissibles au CMD, elles doivent être réévaluées périodiquement pour s’assurer de leur conformité aux objectifs du crédit. Une attention particulière doit être portée aux contribuables qui demeurent dans leur propriété puisque les statistiques révèlent une utilisation moindre du CMD, laissant à penser que les services sont plus difficiles à acquérir pour les aînés n’habitant pas dans une RPA.

Une campagne de communication ciblée pour les sensibiliser à l’existence du crédit pourrait être bénéfique. Également, la question de savoir qui bénéficie ultimement du crédit doit être prise en compte lors de toute réflexion sur les modifications futures aux paramètres du CMD de manière à s’assurer qu’il profite principalement aux aînés bénéficiaires.

Cela dit, l’augmentation de la générosité du CMD pourrait bien avoir pour effet d’atteindre un objectif secondaire initial du crédit, soit la réduction du travail au noir associé au maintien à domicile. En effet, plus la proportion de la dépense admissible couverte par le crédit est élevée, plus il devient intéressant de ramener la dépense dans l’économie formelle.

Standards internationaux de qualité des soins et services aux personnes aînées en perte d’autonomie

L’évaluation des résultats et des coûts, donc de la valeur des soins et services pour les personnes aînées en perte d’autonomie, peut se faire objectivement. L’ICHOM (International Consortium for Health Outcome Measurement) propose des indicateurs de résultats des soins adaptés à différentes conditions de santé (diabète, arthrite inflammatoire, cancer, insuffisance cardiaque, etc). Parmi ceux-ci, notons:

  • La qualité de vie de la personne en tenant compte des éléments suivants: activités sociales, douleurs, isolement, santé mentale et émotive, autonomie fonctionnelle, etc.
  • Le nombre d’événements indésirables, par exemple le nombre de complications liées à l’administration des médicaments, aux chutes, etc.
  • Le fardeau de la perte d’autonomie de la personne sur ses proches aidants
  • La participation d ela personne aux décisions qui la concernent
  • L’amélioration du statut clinique de la personne en tenant compte de sa fragilité, de la durée des hospitalisations, des conditions dans lesquelles elle survit et du lieu de la mort.

L’importance d’offrir des soins et services de santé intégrés aux personnes aînées en perte d’autonomie ne fait plus l’objet de débats car il a été démontré qu’une offre de soins et services de santé intégrés améliore la qualité et la continuité des soins et services (prévenir des complications et améliorer la condition générale des patients et des proches aidants), ainsi que la satisfaction des personnes concernées, tout en réduisant l’utilisation de ressources couteuses.

1: LES CONTOURS DU CRÉDIT D’IMPÔT REMBOURSABLE POUR MAINTIEN À DOMICILE DES AÎNÉS, Regard CFFP R2021/10, TOMMY GAGNÉ-DUBÉ et LUC GODBOUT, OCTOBRE 2021

2: L’ensemble des normes de l’ICHOM pour les personnes âgées est le résultat du travail scientifique d’un groupe de professionnels de la santé, de médecins, d’experts en mesure et de patients. Source : https://www.ichom.org/standard-sets/

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